Écho de nos patients : réapprendre les gestes quotidiens après une perte de vision

Les patients ont beaucoup à nous apprendre. En donnant la parole aux patients partenaires de leurs soins, cette rubrique veut faire connaître des histoires inspirantes et des gestes qui font la différence dans la vie des personnes qui affrontent la maladie.

Pierrette Séguin est une femme pétillante, dynamique qui ne fait pas ses 87 ans. Lorsqu’elle a appris, il y a 4 ans, que sa dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) avait progressé et que son optométriste ne pouvait, selon lui, plus rien faire pour elle, l’octogénaire a vécu un grand moment de découragement.

« Je n’allais plus marcher, je ne m’entraînais plus, je pleurais beaucoup », se remémore-t-elle. C’est un médecin de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont qui l’a référée à l’Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB).

Un espoir à l’horizon
À l’INLB, Madame Séguin a bénéficié des services d’une équipe complète d’intervenants travaillant en collaboration, qui ont contribué à améliorer sa qualité de vie au quotidien et envers lesquels elle exprime sa gratitude.

Sa première rencontre avec Marie-Line, une spécialiste en réadaptation en déficience visuelle de l’Institut, a été marquante.

« Elle est rentrée. Elle m’a parlé. Elle m’a dit quelque chose qui m’a vraiment touchée : il arrive que les personnes qui sont âgées de 70 ans et plus, quand elles reçoivent une nouvelle comme celle-là, elles ne veulent plus rien faire et c’est regrettable parce que la vie continue. Ça m’est resté dans la tête. Lorsqu’on me disait : il faut faire ceci, il faut faire cela, je le faisais. C’est à peu près comme mon entraînement de conditionnement physique (elle s’entraîne deux heures par jour). Tranquillement, je sentais : ça va mieux. »

Marie-Claude, une spécialiste en orientation et mobilité de l’Institut Nazareth et Louis-Braille, l’a amenée marcher. Elle lui a dit qu’elle devrait désormais utiliser une canne pour pouvoir se déplacer en sécurité. « La canne, je n’en voulais pas. Je me disais : je vais avoir l’air d’une vieille femme avec ça. »

Pierrette Séguin s’est toutefois rendue à l’évidence : « Marie-Claude avait raison : je me sens en sécurité. »

Avec son intervenante, elle est allée partout : Montréal, Laval, Île Notre-Dame, Île Sainte-Hélène. Des déplacements que la dame est capable de faire seule désormais.

« On dirait que je n’ai rien perdu de mon autonomie, relève Mme Séguin. C’est plus lent, ça prend plus d’attention,
mais la vie continue. La vie est belle
! », dit-elle.

Pierrette Séguin l’avoue : pour continuer à rester active en dépit de sa déficience visuelle, elle a dû travailler fort. Elle s’est beaucoup exercée pour pouvoir se déplacer aisément avec une canne. Pour garder la forme, elle a transformé son salon en gym.

Et pour rester la cuisinière hors pair qu’elle a toujours été, elle a pris le temps de marquer en grosses lettres chaque ingrédient de son garde-manger comme le lui avait conseillé Marie-Line.

« J’ai déjà fait un pâté chinois avec des palourdes et ce
n’était
pas très bon. Tout ce qu’on
me
disait de faire, je le mettais en pratique. » Patiemment.

Elle peut même se maquiller grâce aux conseils avisés de son intervenante. « Elle m’a amené un miroir double et elle m’a dit : vos mains, ce sont vos yeux. Il faut vraiment avoir de la patience! »

Mais ça en vaut la peine! Mme Séguin cuisine de bons petits plats pour recevoir sa famille. Elle prend part à des marches destinées aux personnes aveugles. Elle fait ses courses seule avec sa loupe et ses lunettes, quelques ingrédients à la fois, même si c’est long et difficile. Elle a donné son nom pour faire du bénévolat auprès des personnes âgées.

Un soutien incroyable!
Pierrette Séguin a toujours été très autonome. Elle n’a jamais demandé d’aide à personne, consciente que ses enfants et ses petits-enfants ont une vie très remplie.

« Quand les intervenantes de l’INLB sont venues et qu’elles m’ont aidée pour mes yeux, c’était comme si mes petites-filles venaient à la maison pour prendre soin de moi. Je les aime assez, vous ne pouvez pas savoir comment! Elles étaient gentilles avec moi, pleines d’amour, de compréhension. Je n’avais pas besoin de dire quoi que ce soit, c’est comme si elles savaient de quoi j’avais besoin.
Elles m’ont aidée pour ma sécurité. Elles m’ont donné toutes sortes de trucs.

Si
on les met en pratique, le bonheur revient dans la maison », dit-elle.

Faire équipe avec les usagers et leur projet de vie
Marie-Claude Poulin-Parent, une des intervenantes, traduit bien le véritable partenariat entre l’équipe qui a offert les services et madame Séguin, lorsqu’elle mentionne : « On focalisait sur ce qui motivait madame Séguin à faire les choses autrement, ce qui était important pour elle d’accomplir dans son quotidien. On l’encourageait à faire des essais, afin d’optimiser ce qui pouvait contribuer à son autonomie, on se mettait à rêver avec elle. »

« L’équipe interdisciplinaire fonctionnait au quart de tour,
nos
discussions entre intervenants permettaient de trouver le
meilleur chemin pour l’aider à atteindre ses objectifs.
On a appris au niveau professionnel par ce partage
. »

Les intervenants de madame Séguin ont véritablement mis en place des services à valeur ajoutée pour cette dernière, ce qui implique « de se mettre à la place de nos usagers pour répondre à leurs besoins avec notre savoir-être, nos compétences et nos ressources (…) solliciter la participation des usagers en les informant, les écoutant, les consultant et les engageant pour favoriser leur autonomisation. » (1) (2)

De plus, les intervenants agissent en tant que partenaires (de leurs usagers) dans la mesure où ils sont garants du respect du projet de vie, des attentes ou objectifs formulés au préalable par l’usager à l’un ou l’autre d’entre eux. Ils s’engagent à transmettre à l’usager, la conclusion de leurs échanges et à convenir avec lui des orientations à prendre.(3)

Version PDF du bulletin

(1) Marquis, Jean-Guillaume, Faire équipe avec les usagers pour des soins et services à valeur ajoutée, CHUS, Webinaire CVPAC, 20 septembre 2018

(2) Autonomisation : processus par lequel une personne (…) acquiert la maîtrise des moyens qui lui permettent de se conscientiser, de renforcer son potentiel et de se transformer dans une perspective de développement, d’amélioration de ses conditions de vie et de son environnement., Office de la langue française, fiche terminologique

(3) Guide d’implantation du partenariat de soins et de services, RUIS Université de Montréal, février 2014

 

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